VU À L'ÉTRANGER Petite révolution en Chine sur les prix à la production
Sinograin, Cofco, Sino State Farm... se préparent à prendre un virage important. Le prix des céréales chinoises pourrait se rapprocher du marché mondial.
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Comment la Chine pourra-t-elle continuer à payer aux agriculteurs des prix très élevés comme en 2015, soit 2 360 yuans la tonne (319 €/t) en blé ou 2 000 yuans (270 €/t) en maïs à la récolte, alors que les prix mondiaux ont évolué à la baisse sur les trois dernières années ? Financièrement et éthiquement, cela devient très compliqué pour le gouvernement. « Le système actuel n'est pas tenable à long terme, déclare Sheng Duanmu, le représentant d'Agritel en Chine. On sent que le système de soutien des prix à la production est en train d'évoluer. »
Sous contrôle actuellement de sociétés d'Etat
Les récoltes sont en partie contrôlées par des sociétés d'Etat qui fixent le prix de marché. L'objectif de sécurité alimentaire est clair : soutenir les prix du blé et du maïs pour que les agriculteurs gagnent leur vie et continuent de produire. Les deux principales entreprises, Sinograin et Cofco, collectent à elles seules plus de 40 % des céréales du pays. Ces sociétés ont un rôle fondamental dans le système chinois car elles régulent les marchés et contrôlent les stocks. L'Etat décrète annuellement des prix planchers dans les principales zones de production. Ceux-ci deviennent rapidement la référence nationale même s'il existe, en fonction des lieux de production, des variations dans ces prix, mais elles restent marginales ne dépassant que très rarement les 10 %.
Les industriels souffrent
Dans ce contexte, les industriels de l'alimentation du bétail, les amidonniers, mais aussi les éleveurs locaux ne peuvent plus tenir. Ils commencent à substituer le maïs qui est encore sous quota d'importation (7,2 Mt en 2016) par de l'orge fourragère ou du sorgho achetés sur le marché mondial à bas prix. En trois ans, les stocks de maïs sont devenus pléthoriques. On les estime à plus d'un tiers de la production mondiale. Intenable pour Sinograin comme Cofco. « Nous avons commencé à déstocker pour la première fois cette année, faute de place, de finances et surtout car la qualité se dégrade après trois à quatre années de stockage dans des conditions très précaires », note Renyong Sang, le responsable chez Sinograin de la province du Liaoning.
Disparition des prix planchers en maïs
Une petite révolution est en cours puisque, pour la campagne 2016, l'Etat a déterminé un certain nombre « d'inflexions » en matière agricole dans le cadre du plan agricole 2016-2020. Il a décidé notamment de revoir sa politique de prix de soutien pour le maïs dès 2016, avec une baisse annoncée de plus de 20 %. L'objectif est une disparition de ces prix planchers au terme du plan. Les maïs chinois vont se rapprocher progressivement du prix mondial. Sur le court terme, cela signifie une offre bien plus importante que la demande avec ses effets sur les prix. Une baisse qui incite les agriculteurs à changer de production pour revenir soit au soja ou plus simplement à produire du blé. Un blé qui, en revanche, n'est pas touché par la mesure de baisse de soutien des prix. L'Etat, non seulement, subventionne le prix à la production, mais aussi auprès des minotiers pour éviter une farine trop chère sur les marchés de consommation. Yu Jie, patron de la société de trading chinoise Sino State Farm, juge cette « inflexion » comme une véritable petite révolution qui laisse entrevoir des lendemains très différents dans les relations de la Chine avec le marché mondial.
Etre en veille
Des rumeurs prétendent que les événements que l'on observent sur le maïs pourraient très bien arriver sur le blé qui reste sous le système de prix planchers, mais pour combien de temps ? « Cela risque de durer encore longtemps, pense Yu Jie, car on touche à des notions très sensibles telles que l'alimentation humaine. Souvenez-vous que chaque chinois de plus de 60 ans a connu la malnutrition voire la privation de nourriture durant la Révolution culturelle. »
Agritel l'a bien compris, la Chine, pays stratégique pour le commerce mondial, doit être aujourd'hui surveillée de près. C'est la raison qui a amené l'entreprise à s'implanter à Shanghaï en 2013. « Pour avoir des informations fiables en Chine, c'est compliqué. Il faut s'y implanter, confirme Sheng Duanmu. Etre chinois est un avantage pour se constituer des réseaux. »
Christophe Dequidt
Les deux principales entreprises, Sinograin et Cofco, collectent à elles seules plus de 40 % des céréales du pays.
C. DEQUIDT
La situation actuelle avec des stocks de maïs pléthoriques est intenable, pour Renyong Sang, responsable du Liaoning, chez Sinograin.
C. DEQUIDT
Les agriculteurs chinois sont en pleine expectative sur le choix de leur production.
C. DEQUIDT
Yu Jie, président de la société Sino State Farm, juge la situation passionnante et pleine d'opportunités.
C. DEQUIDT
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